La barque ou le poney
« J’ai de la peine à renoncer aux images
Il faut que le soc me traverse
Miroir de l’hiver, de l’âge
Il faut que le temps m’ensemence »
Philippe Jaccottet
Il y eut ces derniers temps dans l’atelier et sous mes doigts un virage étonnant, pour moi la première.
Ce fût un tournant vers une forme de figuration ou d’abstraction qui figure. Sont nés des personnages et des animaux, souvent chimériques, modelés rapidement, fruits d’un geste inspiré, dans une recherche de l’émotion fugace, du mouvement signifiant. Des moments de tendresse, de doute, d’étrangeté, de promesse, sont comme figés dans l’argile cuite et dans la matité de l’émail. Dans ces petits objets paradoxaux, l’expression enfle dans l’épure ; l’attente est altière, sans être fière. L’émail est leur peau, la matière céramique est là dans tous ses pouvoirs, révélant la spontanéité du toucher, contenant la forme avec une douceur qui détient du temps. Instantanés immuables, ces croquis de terre ont trouvé leur ancrage, ils prennent place et font société. Ce sont des personnages qui nous regardent et nous questionnent dans notre époque, issus d’un passé lointain, mais légendaire. Ils ont comme renoncé à notre monde bruyant. Ils attendent. La mélancolie se mue en appel.
Chloé Peytermann,
@peytermann